ALEXANDRE DE HALÈS

ALEXANDRE DE HALÈS
ALEXANDRE DE HALÈS

ALEXANDRE DE HALÈS (1185 env.-1245)

Originaire de Hayles (Halès en français), dans le comté de Gloucester, Alexandre de Halès, premier franciscain à enseigner à l’Université de Paris, y fut d’abord un des principaux maîtres séculiers. Il était bachelier sententiaire entre 1120 et 1126. Outre ses Questiones disputate antequam esset frater , on connaît sa Glossa in Quatuor Libros sententiarum Petri Lombardi , qui, retrouvée et éditée (4 vol., Quaracchi, Florence, 1951-1957), est d’ailleurs la seule œuvre authentique de quelque importance qu’on ait de lui, sa Summa theologica (3 vol., Quaracchi, Florence, 1924-1930) ayant été compilée ou rééditée par des disciples, notamment le franciscain Jean de La Rochelle, d’après le plan des Sentences . Magister theologiae probablement depuis 1226, Alexandre, lors de la grande grève universitaire qui éclata en 1229 pour des raisons à la fois disciplinaires (à la suite de l’affrontement au cours du carnaval entre les étudiants et la prévôté) et doctrinales (en relation avec l’«entrée» dans les facultés parisiennes des livres d’Aristote), prit le parti de la rébellion et se replia avec le gros de l’Université à Angers. Après l’accueil fait à Rome (en 1230) aux délégués parisiens (ex fidelibus ) Guillaume d’Auxerre et Étienne Baatel, le pape Grégoire IX manda aussi, en vue de résoudre le conflit, Alexandre de Halès, Godefroid de Poitiers et Jean Pagus, représentants des «rebelles» angevins. Rentré à Paris à la fin de la grève, en 1231, Alexandre passe en 1236 (iam senex , écrit Roger Bacon) chez les Franciscains, auxquels il procure ainsi, au sein de l’Université, une chaire qu’ils garderont par la suite. Il quitte lui-même l’enseignement en 1238 ou en 1241, remplacé par Jean de La Rochelle, mais il continue d’enseigner en privé au couvent. Il a contribué à préparer le Ier concile de Lyon et à vivifier toute l’évolution intellectuelle de son siècle. On l’a appelé le Docteur irréfragable et la Fontaine de vie.

Alexandre fut, semble-t-il, le premier à commenter le Livre des sentences de Pierre Lombard, qui venait d’être officiellement reconnu comme texte de base de l’enseignement théologique par Innocent III au IVe concile du Latran (1215). Il inaugurait ainsi la méthode qui allait devenir réglementaire (jusqu’à Luther) et définir le rôle du bachelier sententiaire comme la deuxième étape de l’enseignement, entre la lecture de la Sacra Pagina par le bachelier biblique et l’explication plus spéculative de l’Écriture par le magister theologiae . La Glossa d’Alexandre, qui fut imitée par le Commentaire de Hugues de Saint-Cher, en 1232, et par la Summa de bono de Philippe le Chancelier, en 1232-1234, et dont la dépendance par rapport à la Summa aurea de Guillaume d’Auxerre, de peu antérieure, semble probable, n’est qu’un résumé des leçons du bachelier. On peut toutefois y constater que celui-ci connaît et utilise presque toute l’œuvre d’Aristote, en y rangeant le Liber de causis , qu’on continuera d’attribuer au Stagirite jusqu’en 1268. Mais son attention se porte en même temps — indice d’une certaine affinité qui se serait confirmée par la suite chez le maître franciscain — vers le courant platonicien et augustinien: Augustin lui-même, Boèce, Denys l’Aréopagite, ainsi que vers des auteurs plus récents: saint Anselme, saint Bernard, les Victorins, les maîtres de l’école de Chartres, tels Gilbert de La Porrée et Guillaume de Conches.

S’il consacre l’autorité de Pierre Lombard en acceptant de le commenter méthodiquement, Alexandre de Halès est aussi un de ceux qui commencent à contester le Maître des sentences sur tel ou tel point, notamment à propos de la nature de la charité, un des lieux les plus fameux de la spéculation médiévale. Ainsi refuse-t-il d’identifier la charité avec l’Esprit saint et distingue-t-il la caritas prima et la caritas creata , dont les contemporains puis Thomas d’Aquin feront un habitus au même titre que la foi. Il est vrai qu’il pose entre les deux une relation qui fait de la première la forme exemplaire de la seconde, sicut motivum in moto .

Dans la Summa universae theologiae qui lui fut attribuée, et dont la composition ne fut achevée qu’après 1250, on ne peut aujourd’hui séparer l’apport propre de frère Alexandre de celui de ses successeurs, Jean de La Rochelle, un certain Jean dit «frater Considerans», Eudes Rigaud, Guillaume de Méliton, Bonaventure même. Cette œuvre collective, que Roger Bacon disait «plus lourde qu’un cheval», permet néanmoins de se faire une idée des orientations de la première école franciscaine de l’Université de Paris. Elle contient d’abondantes références à Aristote et aux Arabes, parfois même un péripatétisme naïf quant à la forme de l’âme. Ce psittacisme hylémorphique associe à l’intérêt pour l’aristotélisme une prédilection pour l’augustinisme, à propos de la théorie de la connaissance notamment; ce qui, dans le contexte des controverses contemporaines à ce sujet, caractérise assez bien la position spéculative des Franciscains, pour lesquels ne pourra jamais perdre tous ses droits la doctrine augustinienne de l’illumination, même si elle se trouve un instant déroutée par la séduction de la noétique aristotélicienne.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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